Robert Burns. Angellier Auguste

Robert Burns - Angellier Auguste


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le gris crépuscule avance dans les cieux,

      Quand Batie reconduit ses bœufs à leur étable,

      Que John ferme la grange, après un jour peineux,

      Que les filles nettoient le blé près de la table,

      Ce qui tient au dehors les froids soirs engourdis,

      Ce qui rend vain l'Hiver sous sa blanche poussière,

      Ce qui rend les mortels confiants et hardis,

      Oublieux de la plaine où s'étend la misère,

      Célèbre-le, ma Muse, en langue familière213.

      C'est cependant une strophe d'allure noble et grave. Le ton aussi a perdu toute ironie, et, si la peinture reste humble et réelle, elle est sérieuse. Elle a pour épigraphe deux vers des Georgiques de Virgile. Dans la lignée écossaise, cette pièce, bien qu'elle soit purement descriptive, relèverait plutôt du Noble Berger, par le mélange d'embellissement et de vérité. Mais l'embellissement ici ne porte que sur le côté moral. Elle est écrite en pur dialecte écossais. À cause de l'influence qu'il a eu sur Burns, il est utile de voir d'un peu plus près ce morceau. C'est le tableau d'une soirée, autour de la cheminée d'une petite ferme, et un tableau charmant de justesse et de naturel. Après avoir, dans la strophe citée plus haut, mis la tristesse du dehors comme un cadre sombre à ce coin chaud et heureux, le poète montre les apprêts du repas du soir:

      De la grosse meule, bien éventée sur la colline,

      Que des plaques de gazon abritent de la pluie et de la neige,

      De grosses mottes, des tourbes, du turf de bruyères emplissent la cheminée,

      Et envoient leur fumée épaissie saluer le ciel.

      Le fermier, qui vient de rentrer, est heureux de voir,

      Quand il jette un regard par dessus le bas mur,

      Que tout est arrangé à son idée,

      Que sa chaumière a l'air net et propre,

      Car il aime une maison propre, si humble soit-elle.

      La fermière sait bien que la charrue exige

      Un repas cordial et un coup rafraîchissant

      De bonne ale, auprès d'un feu flambant;

      Dur travail et pauvreté ne vont pas bien ensemble.

      Des bannocks bien beurrés fument dans la poêle,

      Dans un coin obscur le baril de bière écume,

      Le kail est tout prêt dans un coin de la cheminée,

      Et réchauffe le plafond d'une vapeur bienvenue,

      Qui semble plus délicieuse que la plus exquise cuisine…

      C'est avec cette nourriture, que maint rude exploit

      A été accompli par les ancêtres calédoniens;

      Avec elle que maint gars a saigné en combattant

      Dans des rencontres, de l'aurore au coucher du soleil;

      C'est elle qui tendait leurs bras rudes et robustes,

      Qui pliait les redoutables arcs d'if au temps jadis,

      Qui étendait sur le sol les hardis fils du Danemarck;

      Par elle, les chardons écossais repoussèrent les lauriers romains,

      Car ils n'osèrent pas dresser leur tête près de nos côtes214.

      Le souper terminé, la causerie se met en train. À côté des préoccupations communes à tous les fermiers, on y retrouve les traces de bien des choses que nous avons vues dans la vie de Burns. La peinture de ce foyer pourrait presque servir à reconstituer celui où notre poète a été élevé. On y trouve corroborés maints détails de sa vie ou de ses souvenirs, l'escabeau du repentir, les contes merveilleux de la vieille commère, la superstition religieuse, l'intervention des esprits diaboliques.

      Le bavardage amical commence quand le souper est fini;

      Le gobelet qui réjouit les fait parler aisément

      Des rayons et des averses d'été, des duretés de l'hiver,

      Dont le déluge a gâché autrefois le produit de la ferme.

      À propos de l'église, du marché, leurs histoires continuent:

      Comment, ici, Jock a courtisé Jenny, comme sa promise,

      Et, comment, là, Marion, à cause de son bâtard,

      A été forcée de monter sur l'escabeau de pénitence,

      Et de subir la dure réprimande de notre Révérend John.

      Il n'y a plus un murmure parmi la marmaille,

      Car leur mauvaiseté est partie avec leur faim.

      Il faut bien que les enfants dont la bouche crie famine

      Grognent et pleurent et fassent du tapage.

      Les voici en cercle autour de la flamme du foyer;

      Là, grand'mère leur raconte des histoires du vieux temps,

      De sorciers dansant autour d'un fantôme,

      De fantômes qui habitent dans les glens et les cimetières redoutables;

      Cela leur brouille toute la tête et les fait frissonner de peur.

      Car elle sait bien que les démons et les fées

      Sont envoyés par les démons pour nous attirer à notre perte;

      Que des vaches ont perdu leur lait par le mauvais œil,

      Et que le blé a été brûlé sur le four allumé.

      Ne vous moquez pas, mes amis, ayez plutôt pitié,

      Vous qui êtes au gai printemps de la vie, où la raison est claire;

      Avec la vieillesse nos vaines imaginations reviennent,

      Et obscurcissent nos jours décrépits de terreurs enfantines;

      L'esprit revient au berceau quand la tombe est proche215.

      Vers la fin de la soirée, le fermier va s'asseoir sur le long banc de bois qui, dans les vieilles fermes, était collé au mur. Le chat et le chien viennent près de lui; il leur jette quelques miettes de fromage. Les gars arrivent lui demander les ordres pour le travail du lendemain. Enfin toute la maison, maîtres et serviteurs, s'en vont dormir jusqu'à ce qu'ils soient réveillés par «l'éclat rouge de l'aurore».

      Paix au laboureur et à sa race,

      Dont le travail vainc nos besoins d'année en année!

      Puissent longtemps son soc et son coutre retourner la terre,

      Et les rangs de blé se pencher sous de lourds épis!

      Puissent les étés de l'Écosse être toujours gais et verts,

      Et ses jaunes récoltes être protégées des maigres rafales!

      Puissent tous ses tenanciers s'asseoir à l'abri, dans le bien-être,

      Délivrés de la dure serre de la maladie et de la pauvreté!

      Puissent, en un long et durable cortège, les heures paisibles se succéder!216

      C'est assurément la plus belle promesse de Fergusson. Outre ses qualités d'observation, de simplicité et d'élévation, cette pièce témoigne d'un précieux instinct pour trouver dans la vie des sujets de poésie. C'est un grand don d'être capable de découvrir des thèmes nouveaux, ou tout au moins de rajeunir des thèmes éternels. Fergusson l'avait dans les limites où le sort l'avait confiné. «Le poète, dit quelqu'un qui a excellemment écrit


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<p>213</p> When gloamin' grey out-owre the welkin keeks;When Batie ca's his owsen to the byre;When Thrasher John, sair dung, his barn-door steeks,An' lusty lasses at the dightin tire:What bangs fu' leal the e'enin's coming cauld,An' gars snaw-tappit Winter freeze in vain,Gars dowie mortals look baith blithe an' bauld,Nor fley'd wi' a' the poortith o' the plain;Begin, my Muse! and chaunt in hamely strain. The Farmer's Ingle, Stanza I.
<p>214</p>

The Farmer's Ingle.

<p>215</p>

The Farmer's Ingle.

<p>216</p>

The Farmer's Ingle.