Les Dernières Années du Marquis et de la Marquise de Bombelles. Fleury Maurice
Choiseul fût au moment de revenir, et elle a ajouté: «Dieu sait si M. de Montmorin n'aura pas ses petits protégés.»
Madame Élisabeth lui a répondu: «Si vous daignez véritablement vous intéresser à M. de Bombelles, M. de Montmorin saura très bien qu'il n'a rien de mieux à faire que de se conformer à ce que vous voudrez.
« – Ne croyez pas cela, a dit la Reine, vous ne savez pas combien il est entêté.
« – Soit, a répliqué Madame Élisabeth, mais je ne connais à M. de Bombelles qu'un concurrent raisonnable. C'est M. de Moustier, et la Reine conviendra qu'à tous égards M. de Bombelles a droit aux préférences.
« – Ah! pour cela, oui, a réparti Sa Majesté avec un peu plus de chaleur, mais la santé de M. de Bombelles n'aurait-elle pas à souffrir du climat de Turquie comme de celui de Lisbonne?
«Enfin la Reine a promis d'envoyer chercher M. de Montmorin et de lui demander que je sois désigné le successeur de M. le comte de Choiseul-Gouffier.
«Madame Élisabeth n'a pu s'empêcher de conclure que la Reine embarrassée désirerait que je puisse obtenir une bonne ambassade, mais hors de portée des intérêts de la Cour de Vienne. L'abbé de Vermond soufflé par M. de Mercy et stimulé par ses préventions contre tout homme qui n'est pas l'aveugle serviteur du cabinet autrichien, m'a sûrement rendu suspect à la reine, en disant que j'avais un éloignement très prononcé pour tout ce qui tenait au système de notre alliance. D'un autre côté Sa Majesté serait portée à me faire du bien, parce qu'elle m'honore de quelque estime et qu'elle aime particulièrement Mme de Bombelles. Nous verrons le dénouement de tout ceci: je l'attendrai avec résignation. Je ferai usage des bonnes voies, j'en dois la certitude au bien de mes enfants… Ainsi pense leur excellente mère et, quand je suis de son avis, je puis m'enorgueillir de mon opinion.»
Avec résignation! Est-ce bien le mot qui convient. Bombelles supporte mal les longues attentes, nous le savons. Entre Ratisbonne et le Portugal, long espace de temps où il a rongé son frein, réclamant une ambassade, tentant démarche sur démarche, faisant agir Esterhazy et la comtesse Diane, le baron de Breteuil et Madame Élisabeth. Il en est de même maintenant que sa santé semble rétablie et que quelques mois de séjour à Versailles, bien que coupés de déplacements, lui semblent outrageusement longs. La politique intérieure le remplit de dégoût; les événements en gestation l'effraient. Alors qu'il en est temps encore, il voudrait être mis à même de représenter dignement et utilement son pays… et en même temps d'acquérir à ses enfants l'aisance qui leur fait, pour le présent, totalement défaut.
La conversation entre la Reine et Madame Élisabeth pouvait avoir d'importants résultats, à la condition qu'une suite lui fût donnée sans perdre de temps. Bombelles a couru chez la duchesse de Polignac. Celle-ci est d'avis que, pour «rappeler Sa Majesté à toute la force de ses promesses», il fallait saisir un moment où l'abbé de Vermond serait absent de Paris.
De plus la gouvernante des Enfants de France a rendu compte à Bombelles des observations d'un autre genre qu'elle avait soumises à la Reine. Elle lui a dit que «dans ces circonstances-ci, il était temps qu'elle reprît son rôle, celui de tenir avec dignité une cour et de ne pas venir toutes les après-midi se confondre dans un salon où l'habitude de la voir familièrement diminuait du respect qu'elle devait inspirer, que, dans l'absence de la Reine, elle s'occuperait mieux de lui gagner les esprits par ses manières aimables, attentives et soutenues d'une grande représentation». Il faut lire ces lignes avec soin: c'est tout un programme adroit de Mme de Polignac qui, par crainte de se voir un jour abandonée, demande à la Reine de faire ses visites plus rares – avec l'espoir que son système sera apprécié, non adopté, et qu'il en découlera au contraire un rapprochement efficace entre elle et sa royale amie, rapprochement qui semble nécessaire après les menées sourdes de l'abbé de Vermond.
La Reine en effet reçut fort bien les avis de la duchesse. Elle lui fit cette seule objection: «Que si elle la voyait moins souvent, le public l'attribuerait à du refroidissement et qu'elle serait fâchée de donner lieu à ces sots propos. Mme de Polignac répondit à la Reine qu'elle ne les craignait pas, tant que Sa Majesté lui conserverait ses bontés… qu'elle en attendait de la voir le matin, tous les jours et le plus souvent possible, pourvu que cela ne fût pas au milieu de la foule.»
Pendant ce temps de Brienne s'entête à conserver son poste à la Guerre, il n'y a plus de raison pour qu'il le quitte de bonne grâce; le Roi a cassé dans son conseil tout ce qui s'était fait au Parlement contre l'archevêque de Sens et M. de Lamoignon.
«M. Necker laisse baisser ses actions et celles de la place en suivant le tarif. On voit beaucoup depuis quelque temps un de ses grands amis, M. de Couziers63, évêque d'Arras, prélat d'un vrai mérite. Il toisait le soir les quatre secrétaires d'État, et je voyais à sa mine qu'il les trouverait de petite proportion. La mort d'un autre évêque, Hay de Bouteville, évêque de Grenoble, a fait beaucoup de bruit. Il n'avait que quarante-sept ans, et l'on suppose qu'il est mort de mort violente, que, las de la vie, il s'est tué d'un coup de fusil64.»
La Reine se déciderait-elle à parler à Montmorin, et si elle lui parlait y mettrait-elle cette chaleur à laquelle les ministres ne résistent pas? M. de Bombelles n'était pas assez persuadé pour ne pas essayer, en mettant sa femme en avant, de réchauffer les bonnes dispositions de la souveraine.
Mme de Polignac s'y est prêtée de bonne grâce. La Reine devant se trouver chez elle après le dîner, le 12, elle en a informé la marquise en la prévenant qu'elle lui ménagerait une audience.
«En effet cela s'est passé ainsi, relate le Journal. Sa Majesté accueillit parfaitement Mme de Bombelles, lui parla de mes petits talents, de ce que j'étais, suivant elle, fort aimable; elle a ajouté qu'elle s'occuperait avec plaisir de mon avancement et de me procurer le poste de Constantinople.»
La Reine s'est montrée très simple et bienveillante. Elle est entrée dans le détail des motifs de famille qui portent le marquis à désirer un poste avantageux; elle s'attendrit par degré quand Mme de Bombelles déroule assez habilement son cahier de desiderata. Pour la jeune femme elle-même, elle témoigne de l'estime en laquelle elle la tient, ajoutant que «quoiqu'il fût très simple que Madame Élisabeth s'intéressât au ménage, Mme de Bombelles ne pouvait pas hésiter à parler directement à une souveraine qui avait pour elle la plus tendre amitié». Enfin la Reine prodigua à Angélique «les promesses les plus formelles, les caresses les plus aimables et les expressions les plus touchantes».
Une audience comme celle-là apportait la gaieté. Aussi, en s'installant dans le nouvel appartement que son mari vient de faire aménager, Mme de Bombelles témoigna-t-elle la plus grande joie. Des parents, des amis, les Raigecourt, Mme de Fournès65, MM. de Ginestous et d'Agoult sont venus passer la soirée et souper; on a fait de la musique, et une heure du matin sonnait sans que personne s'en doutât.
Il n'était pourtant pas question pour Mme de Bombelles de dormir la grasse matinée, car le matin même, avant neuf heures, elle courait déjà les bois des environs de Versailles, et bientôt, s'éloignant au grand galop, elle a encore suivi sa princesse à ses chasses fatigantes dont elle est revenue à six heures du soir.
Laissons le marquis faire des visites à Saint-Germain à la présidente de Novion, à la comtesse de la Marck, à Beauregard, au marquis et à la marquise de Sérent, accompagner sa sœur Travanet à la comédie italienne, pousser jusqu'à Villiers où la comtesse de Polignac a acheté la terre de M. du Lau et arrangé avec grand goût un vrai «palais de Diane»; il court chez la duchesse de Polignac, il court chez le baron de Breteuil, chez M. de Brienne, chez M. de la Luzerne. Les nouvelles de carrière ne sont pas ce qu'il souhaiterait, car il n'aura pas Constantinople, M. de Montmorin ayant allégué la cherté du poste. On fait espérer autre chose à Bombelles, mais cette déconvenue l'attriste, et il ne manque pas de la consigner dans son Journal.
Voici des nouvelles moins personnelles. Le maréchal de Biron est
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Joua un rôle dans les conseils de Coblentz. Voir
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Voir aussi le
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Philippine-Thérèse de Broglie, mariée à Henri de Faret, marquis de Fournès, colonel du régiment de Royal-Champagne (cavalerie); dame de compagnie de Madame Elisabeth.